• L'histoire

    L'Antiquité et le Moyen-Age

    L'Antiquité gallo-romaine. Lyon : capitale des Gaules

    C'est au cours du IIe siècle, à l'époque des empereurs de la dynastie antonine et sous le règne d'Hadrien que le Lyon gallo-romain présente sa physionomie la plus étendue et la plus monumentale. Le site primitif de l'oppidum de la colline de Fourvière concentre les fonctions de direction politique et administrative depuis la fondation de la ville en 43 avant Jésus Christ. Du forum (160 x 61,5 m.), partent les grandes voies mises en place dès le règne d'Auguste par Agrippa vers l'Aquitaine, la Narbonnaise, la Germanie et la Bourgogne. Tout autour, les demeures patriciennes côtoient les grands monuments visibles de très loin en raison de leur revêtement de pierres blanches : le théâtre, l'odéon, les temples d'Auguste et de Cybèle, les thermes et probablement un palais impérial.

    L'alimentation en eau de cette partie haute perchée à 140 mètres au dessus de la Saône est assurée par quatre aqueducs, ceux dans l'ordre de leur construction : des Monts d'Or, de l'Yzeron, de la Brévenne et du Gier. Leur longueur cumulée n'est dépassée dans le monde romain que par celle des aqueducs de la capitale : Rome. Au pied de la colline, la Saône est parcourue par un trafic dense de bateaux chargés de vins, d'huile, de bois et de pierres, gouvernés par les membres de la puissante corporation des nautes. Ses rives sont animées par de nombreux ports et des ateliers de potiers.

    Les pentes de la Croix-Rousse, à l'emplacement de la Condate gauloise, sont le site de deux édifices qui symbolisent la fonction de capitale des Gaules assurée à l'époque par Lugdunum : le sanctuaire fédéral et l'amphithéâtre. Ce dernier sert aux jeux du cirque (y compris en 177 aux exécutions de chrétiens comme sainte Blandine) mais aussi de lieu de réunion pour les représentants des tribus qui y possèdent des places désignées.

    La Presqu'île, comme le montrent les découvertes récentes, est un des éléments fondamentaux de la vie de la cité. Loin de l'image réductrice que peut évoquer son nom de Canabae, liée à son utilisation originelle comme camp militaire, c'est un lieu où habitat et activités se mêlent. Des restes de mosaïques montrent la présence de grandes et luxueuses habitations sans doute de marchands prospères. Les traces de grands ateliers de poteries ont été repérés et de vastes entrepôts devaient occuper une part de cet espace malgré les menaces d'inondation venues surtout du Rhône. Le fleuve, peu favorable à la navigation malaisément franchissable, est une frontière entre les provinces Lyonnaise et Narbonnaise.

    Enfin, on sait depuis peu que le faubourg de Vaise, au nord-ouest, était lui aussi un site d'habitat de qualité comme la découverte d'un trésor l'a montré il y a quelques années. Jusqu'au sac de la ville par les troupes de Septime Sévére en 197, sac qui marque le début d'un déclin économique et politique, Lugdunum est bien la ville la plus importante du monde gallo-romain.

    Le Lyon médiéval

    Après la chute de l'Empire romain, Lyon, ruinée par les invasions barbares (les vandales passent en 406), est soumise à des dominations diverses et successives : Burgondes, Carolingiens et fait ensuite partie du Saint Empire Romain-Germanique jusqu'à son rattachement au royaume de France sous le règne de Philippe le Bel, en 1307.

    Dès le IVe siècle, la ville s'est repliée au bord de la Saône autour de la cité épiscopale et des églises Saint-Etienne et Sainte-Croix. Malgré un net renouveau à l'époque du règne de Charlemagne, sous l'impulsion de ses évêques au IXe siècle elle demeure de petite taille.

    Son développement, nécessairement lié à l'utilisation de sa position de carrefour terrestre et surtout fluvial va coïncider avec les nouvelles possibilités de franchissement de ses deux cours d'eau. Un pont de pierres, largement empruntées aux monuments romains, indestructible car il est solidement fondé sur un énorme affleurement rocheux, est édifié sur la Saône en 1070. Ce pont permet de réunir la ville épiscopale à la Presqu'île où se développe le pouvoir civil des échevins autour de l'église Saint-Nizier. Le Rhône, très difficile à franchir pose un défi majeur aux constructeurs de pont. Après l'écroulement de celui qui existait au XIIIe siècle on entreprend la construction du pont de la Guillotière, construction confiée d'abord aux frères Pontifes. Il sera utilisé dès le XVe siècle mais il ne sera définitivement édifié en maçonnerie qu'au milieu du XVIe.

    Du XIe au XVIe siècle, Lyon va se développer de manière assez continue mais subira de graves crises dues aux vicissitudes politiques comme celles liées à la guerre de cent ans aux cours de laquelle la ville sera constamment fidèle au roi légitime et surtout aux épidémies. Les plus terribles, dont celles de la peste noire, interviendront au XIVe siècle. Après celle de 1347, la ville a perdu la moitié de sa population et régresse à 40 000 habitants.

      

    La physionomie urbaine oppose plusieurs territoires bien individualisés. Les pentes de Fourvière et de la Croix-Rousse, où émergent des restes des monuments antiques utilisés comme carrières, sont retournées à la ruralité; les vignes et les vergers y dominent, parsemés de recluseries d'ermites. La Saône est plus que jamais l'axe de vie de la cité. Sur sa rive droite, la cité épiscopale entourée d'une enceinte a vu s'édifier, du XIIe au XVe siècle, la cathédrale Saint-Jean, romane puis gothique, devenue la primatiale car le comte archevêque est primat des Gaules. Saint-Paul est construite plus au nord. Métropole religieuse, Lyon accueille plusieurs conciles.

    La Presqu'île se développe autour du débouché du pont de pierre à Saint-Nizier, sur la rive gauche et le long des voies (rue Mercière) qui mènent vers le pont de la Guillotière. Elle accueille les activités de l'artisanat et des commerces regroupés le long de rues étroites et sinueuses (Poulaillerie, des Bouquetiers). Le pouvoir civil des échevins s'affirme après de longues luttes avec l'archevêque par l'octroi de franchises au XIIIe siècle et prend le contrôle de l'institution charitable de l'Hôtel-Dieu. Mais la Presqu'île est loin d'être entièrement bâtie; elle l'est vers la Saône où les maisons bordent la rivière mais peu vers le Rhône dont on se défend par des murailles. Au sud, les établissements religieux et leurs vastes jardins : Célestins, Capucins et surtout le grand territoire de l'abbaye d'Ainay imposent un caractère rural. La future place Bellecour n'est encore qu'une prairie très humide envahie périodiquement par les eaux de crue.

    Au Moyen-Âge, Lyon n'occupe qu'une faible partie de son site, bien moins qu'à l'époque gallo-romaine.

    Par le professeur Jean Pelletier (2001)

    De la Renaissance au 19e siècle

    Lyon au milieu du XVIe siècle : l'époque de la Renaissance

    Au cours de la seconde moitié du XVIe siècle, Lyon connaît un très fort développement économique et démographique. Les rois de France Louis XI, Charles VIII, François Ier favorisent la ville. Ils lui accordent des privilèges de foires et François Ier attire à Lyon les activités de la soierie pour lutter contre les Génois. De plus, de la fin du XVe siècle à 1559,les monarques s'engagent dans les guerres d'Italie ; Lyon leur sert en quelque sorte de base arrière et la cour y réside souvent.

    L'économie est alors florissante, particulièrement dans le domaine de l'échange de marchandises (cuir, fourrures objets métalliques y compris les armes, vin et surtout de l'argent. Les banquets italiens : Lombards, Florentins (les Médicis), Siennois dynamisent les activités du Change et de l'échange des monnaies européennes dont les parités sont établies lors des grandes foires. Ils édifient de grosses fortunes, s'allient aux familles locales et investissent sur place comme les Gadagne (Guadagni). D'autres Italiens mettent en place les activités de la soierie, inventent de nouvelles techniques (turquet : le peluchage de la soie). La ville est très cosmopolite : Allemands, Italiens, Flamands se côtoient dans Myrelingues : là où l'on parle beaucoup de langues.

    La population, pratiquement épargnée par la peste au XVIe siècle, croit rapidement dans les deux parties de la ville toujours unies par le pont de pierre. En rive droite de la Saône, Saint-Jean et Saint-Paul, le quartier du change, constituent la ville du pouvoir politique, celui de l'archevêque et du gouverneur royal, la cité de la justice rendue au palais-prison de Roanne; la primatiale vient d'être enfin achevée. En rive gauche, les échevins s'installent dans l'hôtel de ville de la rue de la Poulaillerie (aujourd'hui musée de l'imprimerie). Les activités du commerce et de l'artisanat sont très florissantes : le mélange des cultures et le bouillonnement intellectuel qu'il engendre (Rabelais médecin à l'Hôtel-Dieu écrit et publie à Lyon Gargantua et Pantagruel) font de Lyon une des capitales européennes de l'imprimerie et de l'édition.

    Lyon est alors une véritable capitale culturelle et économique de l'Occident et le demeurera jusqu'au coup d'arrêt donné à partir de 1562 par les guerres de religion qui amènent des destructions importantes (Saint-Just) et l'émigration de nombre de familles fortunées.

    Au cours de ce siècle d'or, à cheval sur le XVe et le XVIe siècle, une profonde transformation de l'habitat se produit. L'argent, qui s'accumule, est investi pour une large part dans des constructions nouvelles qui remplacent ou modifient les anciennes demeures médiévales. Ces constructions, aussi bien dans le Vieux Lyon actuel que dans la Presqu'île, sont hautes par manque de place et leur style architectural évolue durant la période du gothique flamboyant au style Renaissance. De grands architectes comme Philibert Delorme y participent. Les façades à fenêtres à meneaux ou gothiques sont ornées de sculptures (maison des lions) ; les cours à galeries comportent des puits pour la consommation humaine ou animale. Des tours, qui contiennent les escaliers à vis avec ou sans paliers, desservent les étages et permettent aussi le guet (Tour Rose). Le Vieux Lyon se met en place et nous a été presque intégralement légué dans le périmètre du secteur sauvegardé.

    Il subsiste cependant des espaces peu occupés que les ordres religieux utilisent pour l'essentiel. Au sud, l'abbaye d'Ainay voit son territoire se réduire par le lotissement de Villeneuve le Plat en bordure d'une place Bellecour qui s'esquisse sous forme de champ de manœuvres. Les pentes de Fourvière accueillent les Minimes et les couvents vont se multiplier dans la première moitié du XVIIe siècle.

    Lyon à la veille de la Révolution Française

    Le XVIIe siècle et le XVIIIe siècle constituent une période d'expansion calme mais continue sur le plan économique et spatial. La soierie poursuit sa croissance sur le plan quantitatif et qualitatif.

    Les canuts de Saint-Georges et de la Presqu'île, qui actionnent toujours les métiers à bras, tissent les plus belles étoffes d'Europe grâce aux dessins de créateurs de génie et deviennent la classe sociale populaire la plus nombreuse et la plus instruite de la ville.

    Les activités du commerce et du change demeurent fortes aidées par un important trafic fluvial sur la Saône mais aussi sur le Rhône et le développement du transport terrestre. Ce dernier est favorisé par la mise en place du réseau français de routes royales de mieux en mieux entretenues par le corps des ingénieurs des Ponts et Chaussées créé en 1774. Lyon est une escale fréquentée par les jeunes anglais qui font leur "tour" d'Europe.

    Malgré la croissance, la ville conserve pratiquement le même cadre spatial. Elle ne s'étend, et peu, que par des aliénations successives de l'abbaye d'Ainay vers le sud. Le manque de place, accentué par la présence des nombreux couvents de la Presqu'île, oblige les maisons à se développer en hauteur jusqu'à quatre ou même cinq étages : Lyon est la ville la plus " haute " d'Europe. Il y règne un entassement peu hygiénique de constructions traversé par une trame viaire héritée du Moyen-Âge. Les encombrements des rues et des ponts génèrent des accidents parfois terribles (le tumulte du pont du Rhône en 1711 fit près de 160 morts).

    La ville, qui est riche, s'embellit cependant. La construction de l'Hôtel de Ville s'engage à partir de 1643, tandis que la place Bellecour prend sa physionomie définitive à la fin du XVIIe siècle avec la statue de Louis XIV au centre et ses façades est et ouest construites peu après par Robert de Cotte. De nouvelles églises sont construites (la chapelle de Marie à Fourvière) ou remaniées (Saint-Just, Saint-Polycarpe, Saint-Bruno des Chartreux). De belles fontaines sont érigées sur les places (Jacobins et Cordeliers) et remplacent les vieux puits médiévaux (Puits Pelu). L'Hôtel-Dieu s'agrandit et grâce à Soufflot, acquiert sa longue façade monumentale sur le Rhône et son dôme ; avec son voisin l'Hospice de la Charité, il accueille malades et indigents.

    Malgré tout, bloquée de toutes parts, la ville étouffe. Il est nécessaire de trouver de la place pour des constructions nouvelles. Plusieurs opérations se mettent en place à partir du milieu du XVIIIe siècle. Deux sont ponctuelles : au nord, sous l'impulsion de Soufflot on bâtit le quartier Saint-Clair, axé sur la rue Royale, en comblant une ancienne lone (bras mort du Rhône), au sud, on édifie les maisons situées entre le Rhône et la place Bellecour. Les deux autres sont d'ambition bien plus importante, quasiment simultanées, elles sont entreprises à partir de 1770.

    Au sud, Michel Perrache entreprend d'agrandir la Presqu'île en déplaçant le confluent de prés de deux kilomètres par la construction d'une longue digue terminée en 1779, rejetant le Rhône vers l'est et se prolongeant par un nouveau pont vers la Mulatière.

    Au nord-est, Antoine Morand cherche à coloniser la rive gauche du fleuve sur le territoire de la Guillotière, en Dauphiné, dans le secteur appelé les Brotteaux (ensemble d'îles et de bras du Rhône). L'architecte élabore un plan grandiose qu'il doit modifier sous la pression des Hospices, propriétaires des terrains, mais il peut néanmoins construire un nouveau pont sur le Rhône pour desservir ce nouveau quartier organisé selon un réseau géométrique de rues et de places.

    Ces deux opérations n'eurent malheureusement ni l'une ni l'autre le succès escompté et elles furent interrompues par les tragiques événements du siège de Lyon en 1793 durant lequel Morand perdit la vie. Néanmoins elles avaient mis en place le cadre du développement du XIXe siècle.

    Lyon au milieu du XIXe siècle

    La Révolution, qui punit Lyon, révoltée contre la Convention, en détruisant entre autres les façades de la place Bellecour et le Premier Empire, dont le blocus continental gêne les exportations de la soierie, ne sont guère favorables à la ville. Le redémarrage de l'économie, qui passe après celui de la soierie, se situe au cours de la Restauration. L'expansion de l'industrie (métallurgie-fonderie, début de la chimie, travail du bois) et du commerce est facilitée par l'utilisation de la traction à vapeur pour la navigation fluviale dont c'est l'âge d'or. Le vieux pont de pierre sur la Saône fait malheureusement les frais de ce développement, gênant, il est détruit en 1842.

    La localisation des activités de la ville change nettement. Les industries et les ateliers se déplacent vers le nord de la commune de Vaise et vers l'est, en rive gauche du Rhône dans celle de la Guillotière. Ce mouvement vers l'est est facilité par la construction de nouveaux ponts, édifiés (6 de 1828 à 1848) selon la technique des ponts suspendus inventée par Marc Seguin en 1827 sur le Rhône et la Saône. Plus spectaculaire encore, les canuts dont le nombre augmente et qui utilisent le nouveau métier inventé par le lyonnais Jacquart, changent la localisation de leurs activités. Ils quittent massivement la Presqu'île où ils manquent d'espace pour les nouveaux métiers, de lumière pour assembler les couleurs, pour les lieux plus élevés, plus aérés et plus sains aussi c'est-à-dire les pentes et le plateau de la Croix-Rousse. De nombreux canuts demeurent établis à Saint-Georges, patrie de Laurent Mourguet, le génial créateur de guignol.

    Les ouvriers de la soie s'implantent dans des immeubles " canuts ", à la façade sévère, construits pour eux par des promoteurs avisés. Ces édifices sont en fait des rassemblements sur la verticale d'ateliers au plafond à la française, élevé en moyenne à quatre mètres pour loger le grand métier Jacquart, éclairés par de grandes fenêtres qui " mangent " littéralement la façade. Ils tissent " à façon " les tissus demandés par les " fabricants "; ballots de soie, boites de tissus circulent dans les montées étroites et les traboules qui traversent les immeubles.

    La croissance économique nécessite de nouveaux territoires et s'accompagne d'une expansion démographique. La ville utilise enfin les territoires que leur avaient proposés en vain Perrache et Morand et qui étaient presque vides en 1815. La municipalité, qui s'est rendu propriétaire des terrains en les rachetant à la compagnie Perrache, en assure le remblaiement grâce à Rambaud. Dès 1824, les terrains sont lotis (plan Lacroix-Laval) et vendus. Très rapidement l'utilisation de cet espace devient celle d'une sorte de délaissé où se localisent les prisons, les casernes et les activités industrielles indésirables en ville : productions chimiques et métallurgiques (locomotives de la compagnie Seguin). Ces activités sont attirées par les facilités de transport : une gare d'eau et surtout la liaison ferroviaire, la première en France entre Lyon et Saint-Etienne.

    Aux Brotteaux, les Hospices, qui possèdent pratiquement tous les terrains, vendent ceux qui sont les mieux placés et louent les autres par des baux de longue durée mais avec une clause de retour à l'état initial en fin de bail. Le résultat est conforme à ce dualisme. Les deux axes principaux : le cours Morand, l'avenue de Saxe et la place Morand présentent les façades bourgeoises des immeubles occupés par la classe aisée des fabricants de soierie et des marchands. Partout ailleurs, petites maisons en pisé, hangars et ateliers logent et occupent une population assez miséreuse.

    Le Vieux Lyon, malgré la construction du Palais de Justice par Baltard père, n'évolue guère sauf vers la paupérisation.

    Dans la partie dense de la Presqu'île, plusieurs opérations d'urbanisme commencent à transformer le tissu urbain. Les quais se construisent et le cœur médiéval commence à être attaqué par des opérations de rénovation brutales liées à des ouvertures de voies nouvelles. On met en place des rues rectilignes : cours Bourbon (rue Victor Hugo), rue Centrale (rue Paul Chenavard), rue de l'ancienne Préfecture et des galeries marchandes couvertes imitées des galeries à l'italienne (le passage de l'Argue). Les transformations majeures du tissu urbain ne tarderont pas.

    Par le professeur Jean Pelletier (2001)

    Le 20e siècle

    Lyon au début du XXe siècle

    La seconde moitié du XIXe siècle fait véritablement entrer Lyon dans la modernité. La ville s'agrandit administrativement lorsqu'en Mars 1852, le prince président Napoléon lui annexe autoritairement les faubourgs un peu remuants de la Croix-Rousse, de la Guillotière et de Vaise. La ville se transforme sur le plan économique et urbain d'une manière quasiment continue dans un esprit d'aménagement à peu près identique de 1852 à 1870, sous le Second Empire et les trente premières années de la Troisième République, c'est-à-dire jusqu'en 1905 et l'arrivée à la mairie d'Edouard Herriot.

    Les activités profitent pleinement de la position de carrefour fluvial et surtout ferroviaire, même si la gare de perrache coupe pour longtemps le sud de la Presqu'île du centre ville, de l'abondante main d'œuvre venue des campagnes voisines et du savoir faire financier (création du Crédit lyonnais en 1860) d'une bourgeoisie rompue au négoce. Lyon devient une grande ville industrielle avec le côté négatif que l'on a tendance à lui attribuer à l'époque dans ses aspects sociaux et matériels : une ville noire, sans attrait vouée au profit.

    Les industries se diversifient. La soierie demeure puissante malgré des crises périodiques et donne naissance aux activités de la teinture et corollaire de la chimie organisées par la famille Gillet, à l'origine de Rhône-Poulenc. La métallurgie la concurrence toujours avec ses fonderies et se trouve surtout à l'origine de l'industrie automobile à la fin du siècle avec les Rochet-Schneider et Marius Berliet. Les frères Lumière inventent le cinéma, des produits pharmaceutiques et les plaques photographiques, y compris en couleur, qui font leur fortune.

    Ville de plus en plus active et peuplée, plus étendue aussi, Lyon va se transformer de manière décisive sous l'impulsion de grands administrateurs, tels le préfet Vaïsse sous le Second Empire et le maire médecin Gailleton de 1881 à 1900, aidés par une pléiade d'ingénieurs de grand talent. Durant plus de cinquante ans, la politique générale urbaine ne changera guère. Il faut rénover, c'est-à-dire détruire des quartiers anciens dont on discerne mal l'intérêt historique, aérer et percer des voies pour faciliter la salubrité par la pénétration de l'air et de la lumière, permettre la circulation des véhicules (les tramways électriques à partir de 1890) et le déplacement éventuel des troupes. La Troisième République y ajoutera les équipements au service de la population surtout dans le domaine scolaire.

    A la timide mise en place de quelques voies nouvelles des années 1820-1848, le préfet Vaïsse et son ingénieur Bonnet substituent en parallèle et non à l'imitation de son contemporain Haussmann, une partie politique de rénovation menée par des compagnies financières (la rue Impériale) mais surtout par les Pouvoirs Publics. Dans la Presqu'île, on perce les deux grands axes des rues Impériale (rue de la République) et Impératrice (Edouard Herriot). A Saint-Jean, la cathédrale est dégagée par la création de l'actuelle place Adolphe Max; en rive gauche, on crée le cours Gambetta au delà de la place du Pont (Gabriel Péri) et l'avenue de Saxe à la Guillotière. La grande inondation de 1856 est l'occasion de terminer les quais, de les rehausser pour les transformer en digues insubmersibles et de mettre en place un efficace système d'égouts. La même année, s'engage la construction du Palais du Commerce et la mise en place du Parc de la Tête d'Or sur les plans de Denis Buhler, dernière opération qui assure à la population un nouveau territoire de jeu en remplacement des espaces agrestes de la Guillotière désormais occupés par les industries.

    La Troisième République continuera cette politique. Dans le Vieux Lyon, les abords de la gare et de l'église Saint-Paul épargnent miraculeusement la rue Juiverie tandis que dans la Presqu'île, se met en place le quartier Grolée. Les communications sont rendues plus faciles par le remplacement des ponts suspendus par quatre superbes ponts métalliques dont il nous restent les ouvrages dédiés à Lafayette et l'Université. Enfin, rive gauche, les percements de l'avenue Félix Faure et du cours Albert Thomas permettent l'expansion vers l'est.

    Les équipements pour l'éducation sont l'objet d'un énorme effort : la ville construit l'Université, l'Ecole de Santé Militaire, une bibliothèque municipale, le Lycée de Jeunes Filles ainsi qu'un grand nombre d'écoles primaires admirablement édifiées en pierres. A l'arrivée d'Edouard Herriot en 1905, les bases matérielles de la grille des équipements urbains est en place.

    Lyon dans la première moitié du XXe siècle

    En 1905, Edouard Herriot devient maire de Lyon et le demeurera jusqu'en 1957. Il s'appuiera sur son ingénieur de la voirie Camille Chalumeau et l'architecte Tony Garnier pour transformer profondément la ville par la mise en place d'équipements dignes de la dimension qu'elle est en train d'acquérir.

    Lyon progresse en effet dans tous les domaines, bien que plus lentement de 1919 à 1950. La population augmente au même rythme que la croissance industrielle. Cette dernière s'appuie toujours sur les activités textiles; la crise de 1930 sonne le glas de la fabrique traditionnelle fondée sur la soie naturelle mais les textiles artificiels (la rayonne) prennent le relais. Cependant, elles sont dépassées par les industries métallurgiques qui se diversifient : camions Berliet, fonderies, Câbles de Lyon, appareillage électrique (Delle-Alsthom), montage de grues.

    La chimie, implantée en bord du Rhône dans le couloir auquel elle donne son nom à Saint-Fons, se modifie profondément; elle produit toujours des colorants mais aussi des acides, le phénol, les produits pharmaceutiques (Rhône-Poulenc, Aguettant) et vétérinaire (début des activités de la société Mérieux). Une pléiade d'entreprises dans l'alimentaire (pâtes à l'origine de Panzani, semoules, biscuits) le travail du bois, les imprimeries, les tanneries, les activités du bâtiment et des travaux Publics donnent à Lyon une image de ville industrielle polyvalente.

    Ces industries ne trouvent plus de place suffisante dans le noyau dense et se localisent en périphérie vers le nord à Vaise, au sud, en rive gauche et droite du Rhône (Oullins, Pierre-Bénite) et surtout vers l'est et le sud-est ou Villeurbanne, Saint-Fons, Vénissieux, Saint-Priest deviennent de véritables banlieues industrielles.

    Plus importante que les autres, la ville de Villeurbanne opère un remarquable effort de structuration de son centre par la construction du quartier des Gratte-Ciel et de son Hôtel de Ville.

    Lyon, après les grandes rénovations chirurgicales du XIXe siècle, cherche à présent à améliorer son cadre de vie. La société d'embellissement organise des concours pour des réalisations urbaines (ponts, reconstruction des pentes de Fourvière dévastées par l'éboulement de 1930). Edouard Herriot s'attachera surtout aux grands équipements nécessaires à la vie sociale, particulièrement celle du monde du travail auquel cet homme de gauche s'intéresse au premier chef. Camille Chalumeau anime la commission qui élabore le plan d'extension et d'embellissement adopté en 1926 et obtient un grand prix d'urbanisme en 1937. Ce plan très classique, prévoit des anneaux de circulation semi circulaires dans les parties les plus plates et des boulevards de corniches dans les parties hautes. Peu seront commencées, seul, avec l'appui du département sera réalisé le boulevard extérieur dit de ceinture, Laurent Bonnevay.

    L'œuvre de Tony Garnier, que le maire chargera de missions successives, sera beaucoup plus marquante car elle est essentiellement constituée de monuments isolés chargés chacun d'une fonction spécifique. En tant qu'urbaniste, l'auteur du projet de cité industrielle réalisera notamment la cité des Etats-Unis. Celle-ci devenue véritable musée vivant est un chef d'œuvre de fonctionnalité qui n'exclut pas l'invention décorative.

    Mais c'est la réalisation de grands équipements publics qui le retiendra le plus; ces équipements font légitimement sa gloire. Le stade de Gerland ne conserve de lui que sa coque tant l'intérieur a été profondément modifié pour les besoins modernes. Les abattoirs et leurs marchés aux bestiaux, toujours à Gerland, construits en 1912 sont opérationnels en 1924; désaffectés en 1965 ils sont aujourd'hui détruits mais il nous en reste la grande halle qui, sans piliers, couvre 1,6 hectare. L'hôpital Edouard Herriot, inauguré en 1926, a conservé intacts ses bâtiments isolés dans la verdure et reliés par des couloirs souterrains.

    D'autres travaux marquent la ville : démolition de l'Hospice de la Charité dont il nous reste la tour, pour construire l'Hôtel des Postes, édification du Palais de la Mutualité, de la Bourse du Travail et mise en place de plusieurs cités-jardins, de logements sociaux à Gerland comme à Perrache. Mais ce sont des monuments isolés, moins emblématiques que l'œuvre dispersée mais cohérente de Tony Garnier.

    La ville contemporaine

    A Lyon, la deuxième moitié du XXe siècle se caractérise par des changements radicaux dans de nombreux domaines. L'extension de l'agglomération dans toutes les directions amène la création de la Communauté Urbaine compétente dans les domaines concernant les grands équipements et l'urbanisme. Le poids démographique du centre ville s'articule autour de 450 000 habitants sur les 1 million 200 000 que compte le Grand Lyon, toutefois, son rôle directionnel demeure pratiquement intact.

    L'évolution de la nature de ses activités est en effet révélatrice. Les industries quittent massivement le centre ville pour essaimer en périphérie des zones industrielles où elles trouvent des équipements et des complémentarités. Seules demeurent celles à haute valeur ajoutée appuyées sur la recherche et la haute technologie comme dans le technopole de Gerland. Elles laissent leurs terrains disponibles pour l'habitat.

    L'emploi devient massivement celui du secteur tertiaire : service de toutes natures : publics et privés, commerces métropolitains desservant un périmètre étendu, voire régional ou de proximité. Cette branche d'activité bénéficie pleinement des nouveaux moyens de transport mis en place durant cette période. Plus que jamais, Lyon devient le centre d'une étoile d'autoroutes, voit arriver le TGV qui la relie à Paris en 2 heures et dispose de l'aéroport international de Lyon Satolas dédié depuis à Saint-Exupéry. Sur le plan interne, elle met en place un réseau de lignes de métro et deux tramways dans le cadre d'un plan de déplacements urbains qui favorise les transports en commun et n'oublie pas les automobilistes grâce à la mise en place de parcs de stationnement centraux. Ces fonctions tertiaires ont une localisation originale dans une métropole, car elles sont situées dans deux centres distincts qui sont plus complémentaires que concurrents.

    La Presqu'île a conservé le commerce de haut niveau, les boutiques de luxe et des fonctions directionnelles par la présence de l'Hôtel de Ville et du Palais du Commerce. La Part-Dieu, autour de son centre régional axé sur des galeries marchandes, est devenu grâce au TGV un lieu privilégié pour l'implantation des bureaux et possède des fonctions administratives importantes : l'Hôtel de la Communauté Urbaine, le nouveau Palais de Justice, qui s'ajoutent à la présence proche de la Préfecture. La métropole régionale est désormais totalement constituée.

    En même temps, le Vieux Lyon, jusqu'alors quartier paupérisé et peu visité, est classé secteur sauvegardé. Au cours de trois décennies, il se réhabilite lentement et avec soin. Les maisons Renaissance sont débarrassées de leurs ajouts parasites, qui encombraient leurs cours; les façades sont recrépies ou repeintes, les ouvertures reviennent à leur physionomie primitive. Le quartier devient un élément important du tourisme dans la ville, qui perd enfin sa réputation de noirceur et de laideur.

    Ailleurs, les besoins en logements et équipements d'une population croissante et surtout avide de conforts nouveaux génèrent une véritable fièvre de construction surtout sous l'égide du maire constructeur Louis Pradel, successeur en 1957 d'Edouard Herriot. Lyon participe à la politique des grands ensembles notamment par la construction du quartier de La Duchère. Toutefois, l'essentiel de la progression de l'habitat se fait de manière plus ponctuelle, les autres grandes cités se mettant en place dans les communes périphériques : Vénissieux et Vaulx-en-Velin. De petits ensembles d'H.L.M. s'implantent de manière isolée surtout dans le IIIe et le VIIIe arrondissements (Mermoz). Tous les espaces laissées libres par le départ des industries ou peu occupés par des constructions basses ou des ateliers sont utilisés par les promoteurs pour des logements modernes, en particulier dans le 6e et le 3e arrondissements. La ville se densifie rapidement avec des clivages sociaux nettement apparents.

    Cette densification et la généralisation de l'usage de l'automobile posent des problèmes de stationnement et de circulation dans une ville à la topographie pittoresque mais génératrice d'obstacles. La ville devient celle des tunnels : celui de la Croix-Rousse est ouvert en 1948, puis vient celui de Fourvière et le périphérique nord.

    Cette prédominance des grands ensembles et du béton s'infléchit dans la dernière décennie au profit d'une nouvelle prise en compte de la qualité de vie comme on l'avait déjà observé au début du XXe siècle après l'époque des grandes percées. L'automobile n'est plus l'instrument privilégié. Les espaces publics sont l'objet de nombreuses réhabilitations (place des Terreaux), de nouveaux parcs s'ajoutent à celui de la Tête d'Or : le parc des Hauteurs à Fourvière et le parc de Gerland.

    Lyon prend place dans les villes françaises attirantes en raison de sa qualité de vie.                                                                                                            Par le professeur Jean Pelletier (2001)

    Parc des hauteurs - vue sur Lyon
    Parc des hauteurs 

  • Commentaires

    1
    Lundi 24 Octobre 2011 à 04:23
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