• Léonie Crevel, 80 ans, n'ira pas en prison pour avoir tué sa fille handicapée
    AFP 24.10.2006 - 21:20

    Léonie Crevel, 80 ans, a été condamnée mardi à deux ans de prison avec sursis par la cour d'assises de Seine-Maritime pour avoir tué sa fille très lourdement handicapée de 41 ans, Florence, afin de "mettre fin à ses souffrances".

    "Je suis très soulagée de ne pas aller en prison", a déclaré Mme Crevel à la sortie de la salle d'audience avant d'éclater en sanglots dans les bras de son avocat, Me Jean-François Titus.

    C'est "une décision juste. L'important est que Mme Crevel n'aille pas en prison", a ajouté l'avocat, qui avait plaidé l'acquittement pour sa cliente, enfermée dans sa quasi surdité et sa tristesse dans la salle d'audience du tribunal de Rouen.

    Jugée pour "homicide volontaire sur personne vulnérable", Léonie Crevel était passible de la réclusion à perpétuité pour avoir étranglé sa fille le 31 juillet 2004 dans leur maison de Tancarville, près du Havre.

    Handicapée à 100%, aveugle, hémiplégique et grabataire, Florence ne parlait plus depuis huit ans et enchaînait les douloureuses crises d'épilepsie. "Elle souffrait trop, j'en avais marre de la voir souffrir", a expliqué Mme Crevel pour justifier son geste.

    "On ne peut pas légitimer un tel acte, quelles que soient les circonstances. Elle n'avait pas le droit de tuer sa fille. Ne pas le reconnaître, c'est laisser la porte ouverte à tous les débordements", a jugé l'avocat général, Delphine Mienniel, avant de requérir une peine de cinq ans de prison avec sursis.

    Me Titus a au contraire appelé les jurés à acquitter l'accusée octogénaire "pour l'aider à finir le deuil de Florence, pour la réhabiliter dans son statut de mère dévouée".

    Mme Crevel "a répondu à l'appel sans voix de sa fille. C'est ce qu'on appelle le meurtre par compassion", selon lui.

    La mort de Florence est le dernier acte d'une vie particulièrement difficile que l'accusée a racontée, avec émotion, à la cour.

    Léonie Crevel avait cinq jours lorsqu'elle a été abandonnée par sa mère. Elle ne la reverra qu'à l'âge de 20 ans parce qu'elle a besoin d'un papier l'autorisant à se marier. "Je ne lui ai pas dit merci", se souvient-elle.

    Elle est élevée par sa grand-mère qui la scolarise chez les bonnes soeurs. A 18 ans, elle perd son fiancé, qui se fait tuer. Deux ans plus tard, elle se marie. Elle mettra au monde huit enfants, dont trois mourront en milieu hospitalier ce qui, selon les experts, pourrait expliquer le fait qu'elle ait toujours tenu à en soustraire Florence.

    Durant 17 ans, elle travaille, son mari étant malade, comme chef d'équipe dans une usine de contreplaqués et dirige une vingtaine d'hommes. "Je n'ai pas eu de problèmes avec eux. C'était des moments heureux parce que je pouvais subvenir aux besoins de ma famille", témoigne-t-elle.

    Après la mort de son mari en 1992, elle reste seule la plupart du temps avec sa fille handicapée dans une maison isolée. Son comportement est alors irréprochable, selon les médecins ayant soigné Florence.

    "Elle avait une relation exclusive, assez pathologique avec sa fille", a conclu un expert psychiatre, pour qui Florence était devenue sa "raison de vivre".


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique